Le dernier Arrêt de la Cour de cassation en date du 29 juin 2021 a débouté le Conseil national de l’Ordre des masseurs- kinésithérapeutes (M-K) dans sa volonté de garder le monopole des massages à l’usage exclusif des M-K.
En effet, le CNO avait formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 15 mai 2020 confirmant l’ordonnance de non-lieu rendue le 20 juin 2018 par le juge d’instruction envers Mme (V), poursuivie pour exercice illégal de la profession de M-K car elle pratiquait des massages de bien-être sans être titulaire d’un diplôme de M-K.
Le 29 juin 2021, la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi et a validé la conformité de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris. De ce fait, le M-K a perdu le monopole du massage. En voici les attendus et les raisons :
Originellement, le terme « massage » était inscrit en toute lettre dans le texte de loi constituant le Code de la Santé Publique ainsi rédigé en 2002 jusqu’au 25 janvier 2016. En voici les extraits appréhendés sur le site Légifrance :
Article L4321-1: Version en vigueur du 05 mars 2002 au 28 janvier 2016
La profession de M-K consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale.
La définition du massage et de la gymnastique médicale est précisée par un décret en Conseil d’Etat, après avis de l’Académie nationale de médecine.
Lorsqu’ils agissent dans un but thérapeutique, ils pratiquent leur art sur ordonnance médicale et peuvent prescrire, sauf indication contraire du médecin, les dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur profession. La liste de ces dispositifs médicaux est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale après avis de l’Académie nationale de médecine.
Seulement, la loi du 26 janvier 2016 a changé totalement la définition de la profession des M-K. En voici l’extrait :
- Article L4321-1: Version en vigueur du 28 janvier 2016 au 28 avril 2021
La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement :
1° Des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne ;
2° Des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles.
Le M-K peut également concourir à la formation initiale et continue ainsi qu’à la recherche.
Le M-K exerce son activité en toute indépendance et en pleine responsabilité conformément au code de déontologie mentionné à l’article L. 4321-21.
Dans le cadre des pathologies héréditaires, congénitales ou acquises, stabilisées ou évolutives impliquant une altération des capacités fonctionnelles, le M-K met en œuvre des moyens manuels, instrumentaux et éducatifs et participe à leur coordination.
Dans l’exercice de son art, seul le M-K est habilité à utiliser les savoirs disciplinaires et les savoir-faire associés d’éducation et de rééducation en masso-kinésithérapie qu’il estime les plus adaptés à la situation et à la personne, dans le respect du code de déontologie précité.
La définition des actes professionnels de masso-kinésithérapie, dont les actes médicaux prescrits par un médecin, est précisée par un décret en Conseil d’Etat, après avis de l’Académie nationale de médecine.
Lorsqu’il agit dans un but thérapeutique, le M-K pratique son art sur prescription médicale et peut adapter, sauf indication contraire du médecin, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d’actes de masso-kinésithérapie datant de moins d’un an, dans des conditions définies par décret. Il peut prescrire, sauf indication contraire du médecin, les dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de sa profession. La liste de ces dispositifs médicaux est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, après avis de l’Académie nationale de médecine.
En cas d’urgence et en l’absence d’un médecin, le M-K est habilité à accomplir les premiers actes de soins nécessaires en masso-kinésithérapie. Un compte rendu des actes accomplis dans ces conditions est remis au médecin dès son intervention. Les M-K peuvent prescrire des substituts nicotiniques.
La version en vigueur de l’Article L4321-1 depuis le 28 avril 2021 (suite à la loi du 26 avril 2021) reste inchangée.
Néanmoins, le Conseil national de l’Ordre des M-K s’appuyant sur les versions antérieures de l’Article L4321-1, ainsi que sur les articles réglementaires du Code de la Santé Publique R4321-3 et R4321-1 dont les extraits suivent, argumentait dans son pourvoi que le monopole en matière de massages n’avait pas été remis en cause par la loi du 26 janvier 2016 et que la Cour d’appel de Paris dans son arrêt en date du 15 mai 2020 confirmant l’ordonnance de non-lieu du 20 juin 2018 remettant en cause ce monopole avait violé les articles susnommés.
- On entend par massage toute manœuvre externe, réalisée sur les tissus, dans un but thérapeutique ou non, de façon manuelle ou par l’intermédiaire d’appareils autres que les appareils d’électrothérapie, avec ou sans l’aide de produits, qui comporte une mobilisation ou une stimulation méthodique, mécanique ou réflexe de ces tissus.
- La m09asso-kinésithérapie consiste en des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale, notamment à des fins de rééducation, qui ont pour but de prévenir l’altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu’elles sont altérées, de les rétablir ou d’y suppléer. Ils sont adaptés à l’évolution des sciences et des techniques.
La Cour de cassation dans sa réponse a spécifié que l’arrêt de la Cour d’appel a justifié de la rédaction de l’Article L4321-1 du Code de la Santé Publique suite à la loi du 26 janvier 2016 pour exclure les massages thérapeutiques ou non du monopole des M-K et que seuls les massages à but thérapeutique étaient de la compétence exclusive des masseurs- kinésithérapeutes en se référant aux articles réglementaires R4321-3 et R4321-1 du Code de la Santé Publique. Donc le massage à visée non thérapeutique est exclu du monopole des M-K et ainsi Mme (V) par sa pratique de massage bien-être ne pouvait être poursuivie pour exercice illégal de la profession de M-K.
La Cour de cassation « conclut que la loi du 26 janvier 2016 exclut du monopole des M-K le massage à visée non thérapeutique » et, dans son dernier attendu, insiste bien qu’« en supprimant toute référence au massage dans l’Article L4321-1 du Code de la Santé Publique, la loi du 26 janvier 2016 a clairement redéfini le champ d’intervention exclusif des masseurs- kinésithérapeutes ». L’arrêt a été déclaré régulier en la forme et le pourvoi du Conseil national de l’Ordre des M-K rejeté le 29 juin 2021.
Ainsi, ne vous étonnez plus en voyant des publicités de massages sur quelque support que ce soit, car le massage non thérapeutique ne nous appartient plus. Il est désormais du domaine commun. Mais, nous vous encourageons au-delà du massage thérapeutique à proposer du massage bien être.
M. Gérard Bouillet